Article CAFE "Une crise évitée!"

Une crise évitée! L’Équipe de CAFE aide les jeunes en difficulté de tous les âges en tout temps

Matthieu Davoine-Tousignant est arrivé au domicile familial du client au milieu d’une scène chaotique : le père hurlait après sa fille, tandis que celle-ci le frappait avec une règle.

À titre de travailleur social spécialisé en matière d’aide aux jeunes en détresse, Monsieur Davoine-Tousignant avait été appelé pour une visite urgente de nuit. En se fondant sur sa vaste expérience en intervention lors d’une situation de crise, il savait que « la prochaine fois, l’enfant pourrait tenir un couteau ».

Comment pouvait-il rétablir le calme? Monsieur Davoine-Tousignant a jeté un coup d’œil dans le salon pour obtenir des indices – un avantage majeur d’avoir été appelé au domicile de la famille.

Et, il n’hésite pas à tirer parti de ce qu’il voit.

« Je vois des objets de La guerre des étoiles partout dans cette pièce », se souvient-il, alors, j’ai attiré leur attention en utilisant ma voix la plus grave : « La force est très présente dans cette famille! » Comme par magie, l’enfant a laissé tomber la règle et m’a entraîné dans sa chambre pour me montrer ses jouets de La guerre des étoiles.

« Son père, qui nous a suivis sans bruit, nous observe de l’embrasure de la porte. Ce n’est plus le papa qui réprimande sa fille et celle-ci qui l’attaque. Maintenant, nous rions tous ensemble et entrevoyons le bon côté des choses. »

Monsieur Davoine-Tousignant et ses collègues, membres d’une équipe dévouée de travailleurs sociaux et d’éducateurs, connus sous le nom de CAFE (Crise-ado-famille-enfance), se distinguent par leur capacité d’éloigner les familles montréalaises du bord du précipice.

Dernièrement, ils se sont associés à Urgence psychosociale-justice, un partenaire communautaire, afin d’être en mesure d’intervenir à toute heure du jour ou de la nuit lors d’une crise, pour aider les parents et leurs enfants, jusqu'à l'âge de 17 ans. Les familles en détresse qui appellent Info-Social 811 peuvent être dirigées à un membre de l’équipe CAFE qui, selon les circonstances, serait prêt à se rendre sur place dans les deux heures suivant l’appel à l’aide.

« Ces familles sont dans une situation fragile », explique Sophie Ménard, chef d’équipe du programme CAFE. « Un jeune fait une crise de colère et peut même lancer des objets. Il insulte ses parents et ne respecte pas les règlements du foyer ».

« Lorsqu’il n’y a plus d’échanges positifs au sein d’une famille, un sentiment d’impuissance s’installe, ce qui peut déclencher une fugue ou même une tentative de suicide », prévient Madame Ménard. « Nous voulons éviter que les parents lèvent les bras et disent ‘j’en ai assez’ ». « Il n’est pas rare », dit-elle « que dans de telles circonstances, les parents en arrivent à penser que leur seule option est de placer leurs enfants auprès de la Direction de la protection de la jeunesse ».

Pour éviter une décision aussi radicale, un expert en résolution de crise de CAFE se rend dans l’environnement naturel du jeune — école, lieux de rencontres communautaires et, très souvent, domicile — pour prévenir l’aggravation de la crise.

Souvent, les membres de la famille sont extrêmement agités lors de l’arrivée de l’intervenant. « Ils peuvent se crier par la tête et se comporter de manière agressive avec un enfant contestataire et rebelle », ajoute Kristanne Constant, membre de l’Équipe CAFE et travailleuse sociale au CLSC de Benny Farm.

« À d’autres moments, même si les membres de la famille sont en pleine crise, ils sont tous très calmes, et dans leur propre espace, croulant sous le poids de plusieurs années de difficultés et de problèmes non résolus. L’adolescent peut être enfermé dans sa chambre et refuser de parler ou de sortir. Nous devons souvent intervenir à travers une porte fermée! »

Une crise ne se déroule jamais de la même manière d’une famille à l’autre, et les familles en crise sont toutes différentes. « N’importe quelle famille peut avoir un jeune qui se mutile ou qui s’isole et refuse d’aller à l’école », note Orélie Cloutier, éducatrice spécialisée au CLSC de Benny Farm. 

Presque toutes les familles partagent le même sentiment de soulagement lors de l’arrivée d’un membre de l’Équipe CAFE pendant une crise.

« Le taux d’adrénaline est à son comble dans la famille et tous ont désespérément besoin d’aide », ajoute Monsieur Davoine-Tousignant, qui travaille au sein de l’Équipe CAFE aux CLSC de Côte-des-Neiges et de Parc-Extension depuis 2021.

« Pendant une crise, le niveau de vigilance et de censure des membres de la famille diminue. Ainsi, au cours des deux ou trois premières heures, nous pouvons obtenir beaucoup d’information précieuse sur ce qui pourrait être à l’origine de la crise. Pour nous, travailleurs sociaux, cela change tout, parce que lors de circonstances normales, établir ce niveau de confiance peut exiger des mois de travail. »

Lorsque la présence apaisante d’un expert en crise du CAFÉ a dissipé la menace immédiate, cette personne continue de rencontrer tous les membres de la famille, afin d’offrir un soutien intensif soutenu, dans le cadre de visites hebdomadaires pendant une période pouvant aller jusqu’à trois mois.

Pendant ce temps, l’Équipe CAFÉ tire parti d’une vaste gamme de stratégies pour aider la famille à créer un environnement plus sain. « Nous leur apprenons comment atténuer les conflits en résolvant les problèmes, établissant des routines et négociant des règles de conduit ensemble », dit Madame Constant.

Mais surtout, les spécialistes de CAFE s’efforcent de consolider la relation parent-enfant. « Chaque partie peut penser que nous agissons contre elle », ajoute Madame Constant. « Ou encore, les parents s’attendent à ce que nous disions à leur enfant ‘Tu dois faire ceci ou cela’. C’est la raison pour laquelle nous précisons toujours notre rôle dès le début : nous sommes les alliés de chaque membre de la famille ».

« Il y a des tensions au sein de familles où les parents ont grandi dans un autre pays, et leurs adolescents ne savent pas s’ils doivent accepter ou rejeter le mode de vie de leurs parents. Dans certains cas, les enfants ne sont pas religieux, mais la famille l’est. Ou encore, l’enfant peut être LGBTQ+, mais doit cacher son identité. Nous aidons les parents à comprendre la réalité des enfants au Canada, et aidons également les enfants à respecter les valeurs de leurs parents. »

À titre d’éducatrice, Madame Cloutier dit qu’elle apporte souvent des jeux de société convenant aux enfants de moins de 12 ans. « Les jeux peuvent nous révéler beaucoup de choses en nous donnant un aperçu de l’interaction au sein de la famille », souligne-t-elle. « Les membres de la famille sont-ils en concurrence les uns avec les autres ou s’entraident-ils? S’encouragent-ils ou se rabaissent-ils? »

Des comportements d’intimidation, où le jeune peut être l’agresseur ou la cible, sont devenus plus fréquents au cours des dernières années avec l’apparition des médias sociaux. « TikTok, Instagram, Snapchat… en matière de gestions des écrans, les parents ne savent pas ce qu’ils doivent permettre, ni comment structurer ce temps », ajoute Madame Ménard.

« D’un point de vue social, la vie est plus difficile pour la jeune génération », convient Madame Constant. « Il a toujours été difficile d’éprouver un sentiment d’appartenance, mais c’est encore plus difficile aujourd’hui, parce que les jeunes ressentent de l’insécurité. Comme il y a plus de tension au sein de leur domicile avec leurs parents, être accepté par des groupes prend une importance accrue pour eux. Ces mêmes jeunes sont exposés à la cyberintimidation, à l’intimidation, et ils publient des photos inappropriées, les enfants ressentent vraiment les pressions — c’est un gros enjeu ».

Madame Constant mentionne que les parents doivent aussi prendre conscience que leur choix de mots peut blesser involontairement. « Nous leur suggérons de reformuler leurs directives, en utilisant ‘je’ plutôt qu’un langage culpabilisant. Par exemple, la phrase ‘Tu n’as pas rangé ta chambre’ peut devenir ‘J’ai l’impression que tu pourrais m’aider davantage’. Nous encourageons les parents à envisager les choses du point de vue de leur enfant et à mieux les écouter. Après tout, même les jeunes les plus silencieux veulent être entendus.

« Pour aider les parents en difficulté, nous leur assurons que nous comprenons ce qu’ils vivent. Nous guidons également les jeunes et les aidons à gérer leurs émotions. Pendant la pandémie de la COVID-19, certains adolescents extravertis qui ne pouvaient pas rencontrer leurs amis avaient l’impression de vivre dans un environnement hermétique sous pression 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ceux qui ont des problèmes de comportement peuvent devenir agressifs, sans se rendre compte des dangers qu’ils peuvent encourir. »

Par contre, après la pandémie, les jeunes plus introvertis ou qui ont des difficultés d’apprentissage ont eu du mal à quitter la protection de leur foyer et à s’adapter au retour à l’école et aux activités parascolaires. « Nous voyons plus d’enfants qui sont accablés par l’anxiété et qui s’isolent et souffrent en silence », dit Madame Constant.

Afin d’aider ceux qui ont éprouvé de l’anxiété plus tôt dans leur vie, le programme CAFE a été élargi pour aider les familles dès la naissance de l’enfant, plutôt que de commencer seulement lorsque ce dernier a cinq ans. « Chaque foyer a sa propre dynamique. Passer du temps avec la famille dans son domicile nous permet de développer l’intervention la plus pertinente pour elle », note Monsieur Davoine-Tousignant. « Par exemple, si les frères et les sœurs dorment dans la même chambre, ils ne peuvent pas ‘s’échapper’ dans leur chambre si elle est remplie d’autres enfants ».

Si l’enfant ne se sent pas en sécurité à son domicile, ou s’il hésite à se livrer de peur de décevoir ses parents ou d’être grondé, il pourrait trouver une oreille attentive auprès d’un enseignant avec qui il a établi un lien. « Je me rends souvent à l’école pour rencontrer les enseignants du jeune ou pour l’observer en classe », explique Madame Cloutier, dont l’équipe peut aussi préconiser que l’enfant bénéficie de services supplémentaires, comme une travailleuse sociale à l’école.

« Nous voyons tellement d’enfants croulant sous la charge de travail scolaire, qui ont un comportement très dur envers eux-mêmes. Souvent, les parents sont exigeants et s’attendent à ce que leurs adolescents réussissent, parce qu’ils ont le sentiment d’avoir fait des sacrifices pour que leurs enfants aient une bonne éducation. »

Les experts de CAFE reconnaissent qu’il peut être intimidant pour les familles en crise de demander de l’aide. Cependant, une fois qu’elles ouvrent la porte de leur domicile à un conseiller de CAFE, les bienfaits sont évidents rapidement, selon Monsieur Davoine-Tousignant.

« En seulement quelques semaines, les familles qui étaient mal adaptées depuis longtemps commencent à avoir plus de moments de plaisir, plus de bonheur. Elles commencent à reprendre des forces collectivement et individuellement, ce qui est vraiment gratifiant. »

*Dans ce document, le genre masculin est utilisé sans discrimination dans le seul but d’alléger le texte. 

Pour plus d’informations sur comment contacter l’équipe CAFE.

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