Jennifer Clarke

 

Jennifer Clarke, M.Inf., CSIG(c), est directrice adjointe du Programme de soutien à l’autonomie des aînés (SAPA) du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal. Elle a été interviewée par Gretchen Lydia Keller le 16 avril 2021. À cette date, elle était coordinatrice du programme SAPA pour le Centre gériatrique Maimonides Donald Berman.

Faire face à la pandémie dans un milieu de vie

Coordinatrice de site responsable d’un des centres de soins de longue durée les plus importants de Montréal, avec 387 résidents, Jennifer Clarke devait rester positive devant son personnel et les patients, même pendant les moments les plus noirs de la pandémie.

Respectant les premières directives de gestion de la COVID-19, son équipe a établi une zone chaude dans la chapelle, y aménageant 12 lits. Or, une semaine après la confirmation d’un premier cas le 7 avril, le site comptait quinze nouveaux cas. « J’aidais tout le monde, mais à l’intérieur de moi, j’étais affolée, déclare Clarke. Cette première semaine était une de panique. Je ne pouvais pas me permettre d’être négative ou pessimiste devant le personnel ou les familles, mais quand j’étais seule, j’avais peur : pour moi, pour mes collègues, pour les résidents. »

Comme il ne restait plus de place dans la chapelle, deux zones chaudes supplémentaires ont été ouvertes. Ensuite, en raison du manque de personnel, son équipe et elle ont décidé de réunir tous les patients atteints de la COVID sur un seul étage pour consolider les effectifs et améliorer les soins. Cela voulait dire de déménager les résidents de leur chambre.

« Ce fut l’une des décisions les plus difficiles que j’ai dû prendre, explique-t-elle. Le respect des gens et de leur autonomie fait partie de mes valeurs fondamentales, et aucun résident ne voulait être déplacé. Et comme nous devions agir rapidement, nous ne pouvions pas les consulter ». Elle comprenait facilement leur point de vue. « Ils avaient été confinés dans leur chambre pendant deux mois et voilà que maintenant, nous voulions les arracher à tout ce qui leur était familier. Et ceux qui pouvaient s’exprimer nous ont dit, ‘Je préfère attraper la COVID que de déménager et me voir privé de mes affaires’. »

Écouter un extrait de l'entrevue de Jennifer Clarke :

« Elle me rappelle pourquoi nous sommes ici : pour les résidents. Ce ne sont pas des numéros ni M. Untel dans une chambre. Ce sont des êtres humains, des vies. »

Il fallait trancher entre les droits des résidents et le plus grand bien de tous, une lourde responsabilité. Et certains ont quand même attrapé la COVID et sont morts. « Mais je ne sais pas si j’aurais pu faire autrement », dit-elle. La décision était d’autant plus difficile pour Clarke en raison de son profond attachement aux résidents. Elle se souvient d’un résident mort des suites de la COVID pendant la pandémie. « C’était l’homme le plus doux qu’on puisse imaginer. Il m’avait donné une photo à mon anniversaire il y a deux ans. Elle est dans ma chambre et je la regarde tous les jours. Elle me rappelle pourquoi nous sommes ici : pour les résidents. Ce ne sont pas des numéros ni M. Untel dans une chambre. Ce sont des êtres humains, des vies. »

En fin de compte, plusieurs résidents sont morts pendant la première vague et la deuxième vague. Si Clarke ressent à la fois de la tristesse devant ces pertes et de la gratitude du fait d’avoir pu, avec son personnel, aider ces résidents dans les derniers moments de leur vie, elle est désolée d’avoir vu autant de patients mourir seuls, sans leur famille. « J’aurais voulu plaider plus en faveur de la visite des proches, mais nous avons suivi la directive d’aucun visiteur et je ne suis pas sûre que cette décision était la meilleure, dit-elle. Peut-être elle a permis de protéger des gens, mais peut-être pas. »

Le fait de travailler en constante consultation avec les membres de son équipe et ses supérieurs a permis à Clarke de gérer l’énorme stress émotif découlant de ses responsabilités de direction. « Les décisions que je devais prendre n’étaient pas faciles et certaines allaient même à l’encontre de mes valeurs, mais je comprenais pourquoi il fallait agir ainsi, déclare-t-elle. Mais ce qui m’a surtout frappée pendant cette période – et j’y pense beaucoup—c’est le fait de me sentir si proche de mon équipe et des liens qui nous unissaient. Nous formions un tout et nous étions solidaires. C’est si important d’avoir des gens sur qui on peut compter. »

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